Proposition par Mr Henelle d’établir dans différents ports de France, des registres d’inscription pour matelots désirant servir sur les bateaux de plaisance.
Le Conseil accepte le principe de cette idée et charge Mr Hennelle de l’étude des voies et moyens. » Séance du Conseil du CVP du 13 octobre 1882.
Au début des années 1880, recruter un bon marin « à la plaisance », n’était une simple affaire.
Comment les Caillebotte avaient-ils découvert cette source qu’était le Dourduff, un noyau de quelques villages au fond de la baie de Morlaix? Mystère.
Toujours est-il que dès 1880, Joseph Kerbrat entre au service de Gustave et s’installe dans une petite maison de sa propriété au Petit-Gennevilliers.
Les marins devenant patrons du yacht de leur propriétaire, ils s’adjoignent un mousse et parfois un matelot si le bateau est grand.
Ce 4 juin 1882, Joseph Kerbrat, on suppose que c’est lui, pose fièrement à l’arrière de Jack que l’on va mettre à l’eau. Le plus heureux des deux est le mousse qui affiche un large sourire. Est-ce d’être à bord d’un bateau neuf ou le fait d’avoir reçu du trésorier du Cercle la somme de 5 francs, gratification pour les petits travaux de la semaine?
Les deux, sans doute. C’est aussi lui qui est allé chercher les fleurs pour le bouquet de neuvage ligoté sur l’étrave.
Jack est le premier bateau dessiné par Gustave Caillebotte. Le peintre s’est lancé dans l’aventure avec son ami Maurice Brault. Le fruit de leur travail est ce gros clipper au lest intérieur, une extrapolation d’Inès qu’il vient de vendre, construite elle aussi chez Texier Fils.
À vrai dire, cette première tentative n’a pas été une réussite. Néanmoins Gustave a appris. Il a découvert les principes d’architecture navale dans l’ouvrage de Dixon Kemp et ses futures créations tiendront mieux la vague.
L’été 1882, n’a pas été agréable pour Caillebotte. D’une part, il y a eu les résultats moyens du nouveau bateau, puis ce terrible accident à la fin des régates de Trouville.
Jack et Coryphée étaient en remorque de l’Élan, un geste maladroit de l’un des matelots à l’amarrage d’une aussière et celui-ci a eu une jambe coupée net. Tombé à l’eau, il est passé sous l’hélice.
Gustave et ses équipiers ont été face au drame. On imagine leur désarroi.
Quelques jours plus tard, ils font cap sur l’Angleterre et essuient une tempête. Que dire de Jack qui n’était pas bien stable sur la Seine, alors dans le Solent !
Avec Dubois et Brault, ils ramènent deux bateaux, le Diver et un petit sharpie américain.
Doutant de ses choix, de ses actions et sans doute marqué par l’accident de Trouville Gustave ne régatera pas à l’automne 1882. Pas de tableaux de bateaux non plus.
Il peindra des fleurs, des natures mortes, et des animaux morts aussi.
Avec Jules Dubois, ils viennent d’entrer à la Société Nationale d’Acclimatation de France. L’idée de la serre du jardin du Petit-Gennevilliers est en chemin.
Joseph Kerbrat est resté au service des Caillebotte une quinzaine d’années, jusqu’au décès de Gustave. Il a ensuite été engagé sur Lotus, le steam-yacht de Mr Jubert du Yacht-Club de France, puis en 1902, lorsque Martial a fait construire son cotre Margouille, Joseph est allé à Pornic pour prendre soin du bateau.
On ne sait pas qui est le premier mousse de Gustave.
Pas Guillaume, qui n’avait que 3 ans. Peut-être Émile Bodeur, un fils Féat ou un Beuzit de Plouézoc’h que Joseph aurait pris son son aile.
Une piste sérieuse indiquerait César Troadec que l’on retrouve aux Mureaux une vingtaine d’années plus tard. Logé à Meulan vers 1900, 20 rue du Port, à l’adresse même de l’Hôtel du Fort, là où nous envoyons aujourd’hui nos régatiers visiteurs.
Une nouvelle enquête à mener.