Inès est le bateau qui va le plus vite des voiliers d’Argenteuil; il est bien monté, bien équipé, et si sa tenue à la mer vaut celle qu’il a en rivière, il devra marquer sa place dans les lauréats de la course. » Le Yacht, 10 juillet 1880.
Voilà comment le premier bateau qu’avait fait construire Gustave Caillebotte était présenté dans la presse à la veille des régates à la mer.
Inès avait été mis à l’eau six mois plus tôt aux chantiers Texier du Petit Gennevilliers et affichait déjà un joli palmarès.
Gustave, qui s’était fait la main sur le petit Iris, cavalait maintenant sur la Seine avec la rouge et flamboyante Inès.
D’où venait son nom? De la pièce de Prospérité Mérimée? Inès ou le triomphe du préjugé? Nous ne le saurons sans doute jamais.
Des préjugés, il en avait sans doute subi au Cercle, Gustave.
Comment un peintre, de surcroît impressionniste, avait surclassé en si peu de temps ses compagnons de régate? L’appétit, la soif de gagner, avec cette touche de talent qui font les gens brillants.
Pendant deux ans, Caillebotte a mené Inès sur les podiums, luttant contre la mer et la rivière, parfois contre lui-même avec la hardiesse des vainqueurs.

C’est à bord d’Inès qu’il emmenait Charlotte à Trouville pour l’été. De concert avec les autres bateaux du CVP, la descente de la Seine se faisait en famille, marins, enfants, amis et même les petits chiens.

Inès est accompagnée d’un bateau jaune sur le tableau « Le bassin d’Argenteuil », de 1882.
La légende du tableau indique parfois Condor sur le cartel du cadre.
Il doit s’agir plutôt de Lison, au docteur David, l’ami de Gustave. À cette période, plusieurs dessinateurs avaient illustré des articles avec ces bateaux côte à côte. La couleur de la coque et plusieurs autres indices peuvent confirmer cette présomption.