« C’en est fait, le beau bassin d’Argenteuil va être coupé par le pont-aqueduc destiné à envoyer les eaux d’égouts à Achères. […] Les travaux vont commencer très prochainement. Le pont, placé comme l’on sait, un peu au-dessus de l’Ile Marande ne laissera qu’un espace libre d’environ 1600 mètres à partir du pont d’Argenteuil.
Les courses ne pourront donc plus avoir lieu que sur la partie que l’on appelait la petite piste et qui, par sa largeur, était la mieux disposée. […] Les courses auront l’avantage de pouvoir être suivies des spectateurs pendant tout le parcours.
Le tablier du pont qui sera de 9 mètres au-dessus du plan d’eau, ne gênera pas les petits bateaux. Quant aux grands, ils devront se contenter pour évoluer de l’espace composé entre ces deux ponts. » Le Yacht, 13 juin 1891.

Évidemment, les propriétaires des grands bateaux ne s’étaient pas satisfait de cette nouvelle.
Sûrs de leur position, ils avaient déclaré : Écrivons au ministre de la Marine, aux Ponts et Chaussées, au président de la République ! Enterrons les conduites d’eaux usées. Non au pont de Colombes!
On s’en doute, même avec l’aide de Félix Faure, membre du CVP, ils n’avaient pas eu gain de cause. Le bien commun avait pris le pas sur le plaisir des messieurs du Petit-Gennevilliers.
La seule concession obtenue avait été une large arche centrale plus aisée pour la navigation des voiliers.
Au sein du Cercle, les propriétaires des grands bateaux étaient montés au créneau. 17 d’entre eux signèrent une pétition, ils réclamaient un nouveau plan d’eau.
François Vilamitjana, chef de file et propriétaire d’une villa à Meulan, organisa le départ. Pendant deux saisons entières, celles de 1892 et 1893, les régates du CVP avaient eu lieu en double, sur les bassins d’Argenteuil et de Meulan. Les grands d’un côté, les petits de l’autre.
Les petits descendaient parfois la Seine et s’invitaient aux Mureaux pour découvrir le nouveau terrain de jeu, ou remontaient jusqu’à Asnières et entraient en résistance.

Les lignes de train se multipliaient. Aller à Meulan ou jusqu’au Havre n’était plus un problème. Les membres du Cercle de la Voile de Paris avaient leur wagon privé.
La gare Saint Lazare, les ponts de chemin de fer volaient la vedette aux modèles des peintres. En 1874, Monet avait peint au moins sept fois les ponts d’Argenteuil, le routier et le ferroviaire, tels qu’on le voit sur le tableau, ceux-là même qu’empruntaient nos régatiers le dimanche.
Gustave Caillebotte, Sisley et Signac en avaient fait leurs sujets favoris.

Lorsqu’après le déménagement du CVP en 1894, Ferdinand Schlatter inaugura le club-house situé au pied du pont de Meulan, il avait déclaré : « Je me méfie tout de même de l’Administration Publique. On ne sait jamais ce qui peut passer par la tête de ces fonctionnaires. Des fois qu’ils nous en construisent un autre! »