« On nous écrit d’Antibes que Monsieur Paul Signac, l’artiste peintre bien connu, président de la Société Nautique de Saint Tropez, s’est rendu acquéreur du 6,50m Fricka qui appartenait à monsieur Rabot, membre du Cercle de la Voile de Paris. » Le Yacht, 18 juillet 1908.

C’est qu’en ce début d’été, Pierre Rabot avait mieux à faire que de rester courir en Méditerranée.
Il s’était bien entraîné et maintenant sélectionné pour les épreuves de Voile des Jeux Olympiques de Londres, il devait maintenant traverser la France et la Manche pour rejoindre ses collègues sur l’Ile de Wight.
Pendant son voyage, il avait dû penser à Gustave Caillebotte, l’ami de Signac et son ami à lui aussi. Il aurai été fier de lui.
Que de chemin parcouru depuis le temps d’Argenteuil!
Arrivé à Paris en 1891, il avait été embauché par le chantier naval Texier du Petit-Gennevilliers. Le meilleur endroit pour progresser.
Il avait élu domicile à quelques maisons, tout près du pont, et passait devant le Cercle de la Voile de Paris tous les jours. Il s’y était inscrit.
Son premier bateau pour régater était Frou-Frou, au nom qui évoque la soie des voiles luxueuses des Caillebotte qu’il venait de rencontrer.

En 1892, la nouvelle série des 30m2 CVP imaginée par Gustave venait de s’enrichir de Criquet dessiné pour Pierre Rabot. Annoncé fin-keel, il étrennait le profil caractéristique des plans Caillebotte. Pierre était heureux de ce bateau aussi moderne!

On aurait préféré que Gustave ne disparaisse pas aussi vite et que Pierre ait pu profiter de son expérience.
Heureusement, d’autres architectes professionnels ou amateurs avaient suivi son parcours et il avait intégré le comité technique de l’Union des Yachts Français en compagnie de Godinet, Méran, Giudicelli, Valton.
Au final, Pierre Rabot n’avait dessiné que 3 bateaux, dont Lulu qui navigue encore. Un joli cruiser construit en 1899, cadeau de premier anniversaire de mariage pour Emma Marcou de la part de son Lulu de mari.

Un peu après 1900, Pierre s’était permis un clin d’œil à Gustave. Il avait enfin réussi à acheter Mignon, le dernier plan Caillebotte et l’avait rebaptisé Yoni, qui en hindou signifiait à peu près la même chose que con d’or.

Pierre Rabot est né le 4 août 1864 à Bordeaux, presque les pieds dans la Garonne, dans une belle maison de la la façade des Chartrons.
Son père était capitaine au long cours, ses oncles et cousins charpentiers de Marine en Gironde.
Une vie passée sur les quais et pontons, dans les ateliers, en régate, des succès et des victoires, telle cette médaille de bronze obtenue aux Jeux Olympiques de Londres sur Guyoni, l’un des nouveaux 6mJI.
Pierre Rabot est mort à Paris en juin 1914, juste avant la première guerre mondiale.
Gustave Caillebotte a réalisé deux portraits de lui.