En attendant le train

Compte-rendu de conseil du 12 janvier 1900:

« Le Conseil autorise Mr d’Estournelles à traiter avec la Compagnie des Chemins de Fer de l’Ouest au sujet des billets pour Meulan. »

Deux semaines plus tard, le 26:

« Lecture d’une lettre de la Compagnie de l’Ouest accordant la réduction de 50% pour les membres du CVP entre Paris et Meulan. »

Voilà une affaire rondement menée. Mais, cela était le cas tous les ans et les membres du Cercle étaient gâtés. Il leur était également réservé un wagon entier pour leur usage personnel, le dimanche, tôt le matin et retour le soir après les régates. Une plaque émaillée aux armes du CVP était apposée sur le flanc de la voiture.

Même si certains d’entre eux commençaient à préférer l’automobile, la plupart prenaient le train. Parfois, ils s’amusaient pendant le trajet au « jeu du wagon vide », tels des potaches, et asticotaient les voyageurs.

Sur la photographie, nos régatiers semblent bien fatigués. Certes, heureux d’avoir mené Sidi Fekkar à la victoire et remporté la Coupe, mais contents de pouvoir enfin s’asseoir sur un banc en attendant le train.

Mais quelle gare est-ce exactement ?

Meulan est toujours citée pour la destination, mais les cartes postales de l’époque ne correspondent pas à la photographie. Il s’agirait plutôt de la gare des Mureaux, même petite construction, barrière, haie et poteaux électriques.

On attend l’avis des spécialistes.

Pour le concours de photographies, cette image a dû être classée dans la catégorie Objets immobiles. Les messieurs ne bronchent pas. On aurait aimé voir surgir la locomotive, mais tout est calme.

Sur le premier banc, l’un des messieurs rit. Serait-ce Jules Valton, le barreur qui ne cache pas sa joie ?

Sur le deuxième banc, en arrière-plan, un autre nous fixe, l’air sérieux.

À y regarder de plus près, et sachant que Pierre Rabot est sans doute dans ce groupe, on croirait reconnaître les traits du visage de Pierre, l’ami de Gustave, charpentier naval au Petit-Gennevilliers. Et pourquoi pas ?

Il est temps pour eux de rentrer à Paris de fêter leur victoire et de se reposer.

Nous sommes le 19 mai, les courses de la Coupe Internationale sont terminées, mais demain le 20, commence une autre compétition, très importante pour tous: les Régates de l’Exposition Universelle.

Plus d’une soixantaine de bateaux sont attendus aux Mureaux, du jamais vu sur ce plan d’eau. Les photographes sont impatients.