Face au tableau, on entendrait presque les cartes glisser sur le feutre vert, le cliquetis du compteur de points et les coups de pinceaux de Gustave sur la toile.

Les annonces des joueurs rythmaient la soirée. Quinte, Mariage, Bésigue!

Car pour cette assemblée de célibataires, il s’agissait de composer le mariage ultime, celui du valet de carreau et de la pique qui rapportait le plus de points.

On reconnaît les murs de l’appartement des Caillebotte. On aurait préféré que ce soit ceux du Cercle, dans les nouveaux bureaux du 11, rue Saint-Lazare.

Il y avait, paraît-il, une impression toute nautique lorsque l’on y entrait. Des marines accrochées aux murs, des demi-coques, une bibliothèque bien garnie.

Et des jeux.

Si les membres du CVP se retrouvaient régulièrement les mardis soirs d’hiver pour les conférences et les vendredis pour les dîners, certains d’entre eux passaient en fin d’après-midi pour une partie de wisth ou de billard.

Dans les registres de Conseils, on trouve aussi bien les achats d’accastillage et d’équipements que ceux de sixains de cartes et de compteurs de points.

On y découvre aussi que le garçon de salle, Scalla, servait les boissons, allait ouvrir la porte, débarrassait les manteaux et distribuait les journaux.

En 1880, l’heure de billard coûtait 50cts, tout comme celle de Piquet.

L’heure de whist, 1 franc. Un accroc au tapis, 25 francs.

La commission des Jeux se réunissait tout autant que celle des Courses.

À quelques visages près, le tableau de Gustave représente cette entité.

Le CVP a changé plusieurs fois d’adresses.

De la rue Mogador prolongée en passant par l’impasse d’Amsterdam et la rue du faubourg Saint-Honoré, le Cercle avait bien investi le territoire compris entre l’Opéra et la Gare Saint-Lazare. Leur premier quartier général était un café de la rue Neuve des Petits-Champs au bord de la Place Vendôme.

À chaque déménagement, aux pendaisons de crémaillères, les cadeaux arrivaient. Une tirelire de table, un livre, un tableau, un album de photographies, des boîtes de cigares et des caisses de champagne, chacun apportait une touche personnelle au décor de leur repaire.

Miraculeusement les archives ont suivi ce périple parisien pour nous raconter les anecdotes du Cercle.

Sur le tableau apparaissent de gauche à droite:

Édouard Dessommes, né en Louisiane, venu à Paris pour des études de médecine, puis de dessin dans l’atelier de Bonnat comme Gustave et entré au CVP dans la foulée.

Au fond sur le canapé, Paul Hulot, le dandy qui somnole. Puis Maurice Brault, polytechnicien, qui s’essaiera avec Gustave au dessin d’un plan de bateau, sans grand succès. Il aura plus de réussite dans la finance. Il siègera au Conseil du Cercle pendant de nombreuses années.

Debout, Richard Gallo, un peu journaliste, rédacteur et négociant. Bien que proche des Caillebotte, il ne semble pas avoir navigué avec eux.

Enfin, les deux hommes à la pipe, en noir Aimé Cassabois, agent de change, puis Martial Caillebotte en veste marron.

En 1881, Édouard Dessommes et Martial Caillebotte sont allés aux États-Unis, missionnés par le Cercle de la Voile de Paris pour visiter plusieurs yachts-clubs et « étudier diverses questions se rattachant au sport de la Voile ».

Ils n’ont pas l’air de parler beaucoup autour de cette table. Entre deux parties, Édouard et Martial racontaient-ils leur voyage?

Cette année-là, le grand diner du Cercle de la Voile de Paris, était organisé au Café Américain.